Cinquante-six années après l’indépendance, il est toujours difficile de débattre, de façon sereine et lucide, de l’école en Algérie. Malgré les discours triomphalistes des responsables, l’école est à la base des périls qui hypothèquent l’Algérie en tant qu’Etat, Nation et Société. L’approche prospective reste toujours piégée par les appétits claniques puisque, politiquement, l’arabisation, par exemple n’a servi à rien d’autre qu’à élaborer une stratégie de prise de pouvoir par une minorité.
Conçue pour assumer le contrôle de l’esprit et garantir la reproduction du système, l’école est la première victime du terrorisme idéologique. La négation d’un héritage culturel ancestral, le mépris de la rationalité, le refus de l’universalité et l’archaïsme idéologique ont conduit le système éducatif à l’impasse actuelle.
Le résultat est connu. Le niveau de toute l’institution scolaire et universitaire s’est effondré. Comparé à des normes universelles, le système éducatif algérien occupe la 69ème place sur 70 pays dans le classement Pisa 2015; La première université algérienne arrive à la 2341ème position, selon le dernier classement du site de référence Webometrics2017. Le déficit est criant : échec et déperdition scolaires effarants, contenus d’enseignement obsolètes, pédagogie déficiente, rigidité bureaucratique, absence de réflexion prospective…
Sur100 élèves entrés en 1ère année primaire, 7 intègrent l’université. Plus de la moitié des élèves sortent de l’enseignement secondaire sans diplôme qualifiant. L’exclusion scolaire avoisine les 400.000 élèves par an.
Après une velléité de réforme au début des années 2000, l’école algérienne est aussitôt rattrapée par les constantes d’une idéologie nationaliste d’apparat ; tandis que les enfants des dirigeants sont à l’abri et accomplissent leur cursus à l’étranger ou dans des écoles privées. La réforme entreprise a eu pour finalité la modification de la forme, de la manière et des méthodes d’enseignements ; La révision timide des contenus, ces dernières années, est loin d’une mise à niveau des connaissances pour se mettre à l’heure universelle.
Devant ce fiasco général, le ministère de l’Education nationale tente d’introduire dans certains programmes une dose de rationalité. L’absence d’une parole politique forte pour exprimer la volonté d’extraire l’école des idéologies rétrogrades et la puissance des lobbies conservateurs handicapent les plus abouties des volontés individuelles.
Le destin de l’Algérie, les intérêts supérieurs de la Nation et l’avenir de nos enfants exigent une formation à même de s’inscrire dans la compétitivité internationale.
Les grandes lignes de la vision du RCD en faveur d’un système éducatif performant et expurgé de l’idéologie obscurantiste et rétrograde sont connues de tous. Ce cadre, une fois posé, postule que le reste des réformes est du seul ressort de la famille de l’éducation. Tout cela nécessite un courage politique, un effort national que les experts comparent à une sorte de plan Marshall. Sur un autre plan, la réforme du système éducatif doit concerner tous les cycles primaire, secondaire, professionnel et universitaire et doit être menée selon une approche systémique pour lui donner un maximum de chances de réussir. On doit agir simultanément sur le contenu des programmes, les méthodes pédagogiques et d’évaluation, le recrutement et la formation des enseignants et des personnels d’encadrement pédagogique et administratif ainsi que les conditions de travail des personnels et des élèves.
Notre ambition est de :
- Bâtir une société démocratique capable de former l’Homme citoyen pour préserver sa culture et s’ouvrir sur le monde en intégrant les valeurs universelles.
- Former les compétences susceptibles de valoriser le potentiel algérien dans un contexte mondialisé.
L’école et l’université devraient être des pôles d’excellence qui formeront l’encadrement, les ingénieurs et les architectes de demain, une société où les jeunes algériens n’auront plus à émigrer pour pouvoir s’accomplir. Il est indispensable que le système de formation œuvre à l’intégration des étudiants et des compétences vivant à l’étranger et encourage la coopération internationale en vue de combler les déficits enregistrés dans certaines disciplines.
Nous proposons
- D’enseigner et de promouvoir nos langues officielles, de rétablir le français comme langue d’enseignement des mathématiques, des sciences et des technologies et procéder sur le long terme à favoriser l’émergence d’un trilinguisme fécond dans tous les cycles de formation. Cette tendance prévaut dans beaucoup de pays et permet une meilleure articulation avec l’université où l’enseignement des sciences exactes, médicales et même les sciences humaines est assuré soit en langue française pour le Maroc et la Tunisie, soit en langue anglaise pour certains des pays du Moyen Orient.
- Libérer l’école des idéologies pour qu’elle s’adonne à la promotion de l’instruction civique, de la rationalité, de l’esprit d’analyse, des valeurs de tolérance, d’échange d’idées et de la lutte des peuples pour leur épanouissement. Démocratie et droits de l’homme doivent être au centre de l’éducation. L’enseignement des droits de l’homme est le point de départ le plus motivant pour établir la relation entre l’individu, la société et les institutions.
- Abroger la loi d’orientation du 23 janvier 2008, fixant « les dispositions fondamentales régissant le système éducatif national » et les « principes fondamentaux de l’éducation nationale » qui rend tamazight langue facultative et donne la priorité à la langue arabe.
- Décoloniser et cesser de manipuler l’histoire et l’enseigner sereinement en tant que paradigme de l’accomplissement de la conscience nationale.
- Réhabiliter les grandes écoles, ouvertes démocratiquement selon les seuls critères pédagogiques, aux élèves les plus doués pour la formation d’élites scientifiques.
- Permettre au capital privé national d’investir dans la production culturelle, l’édition et la promotion d’ouvrages scolaires et universitaires. L’école privée doit être reconnue et son contenu précisé selon les valeurs et les exigences qui auront déterminé la conception de l’institution publique.
- Revaloriser le statut de l’enseignant, tous cycles confondus, en veillant à l’amélioration constante de son niveau pédagogique et technique. La situation sociale, morale et intellectuelle déplorable réservée au corps enseignant n’est pas étrangère à la dépréciation du niveau d’enseignement.
- Accorder une importance accrue à la population nationale des handicapés en matière de prise en charge et d’éducation.
- Institutionnaliser une scolarisation obligatoire dès l’âge de 5 ans. Le bénéfice d’une année pédagogique servira exclusivement à l’apprentissage des langues et à l’initiation au calcul. Cette mesure permettra aux maitres d’école d’entamer les programmes pédagogiques avec des élèves déjà initiés aux rudiments linguistiques plus faciles à parfaire tout au long de la scolarité. Beaucoup d’élèves fréquentent déjà le préscolaire ou ont accès à l’école à cinq (05) ans par le fait que leurs parents exercent dans l’éducation ou tout simplement parce qu’ils ont le pouvoir d’intervenir, en faveur de leur progéniture, auprès de l’administration. C’est donc une mesure qui va, aussi, dans le sens de l’égalité des chances.
- Intégrer la formation professionnelle au sein du ministère de l’éducation nationale de sorte qu’aucun n’élève ne puisse quitter les bancs de l’école avant d’avoir appris un métier ou obtenu les pré requis pour poursuivre des études universitaires. De plus, il urge de hisser ce secteur au diapason des qualifications requises par l’économie de marché et l’orienter en fonction des exigences du secteur productif et de l’emploi. Il convient, également, de revaloriser les métiers manuels.
- Porter immédiatement le budget de la formation au minimum à 15% du PIB et consentir progressivement les coûts par apprenant à des niveaux qui sont ceux des pays développés.
- Recourir à la coopération internationale dans les domaines insuffisamment maitrises, notamment pour la formation des formateurs.
L’université doit être soustraite à l’embrigadement du pouvoir ou de tout autre mouvance politique et jouir également de l’autonomie et d’une gestion démocratique en bonne et due forme et les responsables académiques doivent être élus sur la base d’un programme de travail pour un mandat unique de trois ans. Elle se doit de véhiculer une pensée critique et rationnelle, de dispenser un enseignement adapté aux mutations technologiques et réhabiliter les sciences sociales et humaines.
La recherche scientifique, sans laquelle aucune bataille de développement ne peut être gagnée, doit être consacrée en mettant à sa disposition les moyens humains et matériels nécessaires à son essor, aussi bien au niveau des entreprises que des universités, en l’intégrant dans le développement de la post graduation. La recherche fondamentale ne doit plus être perçue comme un luxe mais comme l’une des conditions de développement national.
Il y’a lieu d’instaurer un système de bourses dans l’enseignement supérieur qui tient compte du revenu des parents. Il n’y a aucune raison de servir des bourses de misère pour des étudiants issus de familles démunies au même titre que ceux dont la famille dépense ce subside insignifiant en frais journaliers. Cette mesure qui s’inscrit dans l’optique des subventions à l’enseignement fera l’objet d’un examen prioritaire.