INTRODUCTION
La répression du printemps 2001, qui a ensanglanté la Kabylie avant d’atteindre d’autres régions du pays, a révélé, dans le sang, le fossé qui sépare dirigeants et citoyens.
Face à une société en mouvement, s’oppose un régime immobile et muré dans ses archaismes.
Moderniser l’Etat ou prendre le risque d’une désintégration sociale.
Changer de régime ou disparaitre en tant que Nation.
Tels sont les choix qui se posent à l’Algérie.
L’Algérie vit une impasse historique: terrorisme, régression sociale, marasme économique, restriction des libertés, répression, crise politique, morale et identitaire, division du peuple et isolement international constituent le bilan d’un régime qu’aucun malheur ne semble atteindre.
Installé depuis 40 ans dans l’abus, la violence, la corruption et la confusion politique, le système en place gère ses intérêts et ses propres équilibres au détriment de la stabilité et de la prospérité de la Nation. Faute d’avoir réglé dans la transparence et la responsabilité la question du pouvoir, le Congrès de Tripoli de 1962 prolonge et impose sa crise dans le deuil.
La faillite est générale. Une phase historique se termine. Finir la période d’après-guerre pour engager le pays vers un nouveau destin est un défi vital.
Toutes les manœuvres de relance du régime ont échoué. Aucune autre ne peut faire illusion. Les fraudes électorales ont achevé de disqualifier les institutions: véritables postulats, la servilité et la médiocrité sont des pré-requis pour la représentation nationale. Le citoyen ne s’y est pas trompé. En s’en prenant aux symboles de l’Etat et aux biens de ses clientèles, il signifie son rejet global d’un régime, institutions et personnes confondues.
Eviter d’autres épreuves et prémunir le pays d’autres dérives, impose une vérité: la Nation Algérienne ne peut survivre qu’à travers une rupture franche et déterminée consacrant la fin d’un système pour mieux appréhender l’émergence d’une Algérie nouvelle représentée par des institutions républicaines en phase avec les mutations nationales et mondiales et les légitimes attentes d’une population profondément renouvelée.
La sauvegarde de la Nation appelle des choix fondamentaux. Longtemps différée, la Refondation Nationale est l’ultime réponse à ce désastre sanglant. Radicale et inédite, la Refondation Nationale libère le pays du mimétisme institutionnel colonial et établit une projection politico-administrative en harmonie avec l’histoire, la sociologie et les besoins de la Nation. La période de transition aura à préparer les conditions politiques et institutionnelles à cette nouvelle configuration qui réconcilie le citoyen avec l’Administration et les institutions avec la société.
Le volontarisme, l’improvisation et le populisme ont mené à la ruine. La rupture est inéluctable avec ses préalables, sa démarche et ses objectifs.
Toutes les nations confrontées à un déclin similaire à celui qui nous affecte ont eu à identifier les causes de leurs problèmes et en clarifier les enjeux avant de mobiliser leurs énergies patriotiques autour d’un projet de sauvegarde nationale.
Dominé par les organes parallèles de l’institution militaire, l’État républicain n’a pu se construire par la citoyenneté. La primauté du civil sur le militaire, telle qu’affirmée par le Congrès de la Soummam est, plus que jamais, le préalable à toute forme de rénovation.
La Refondation Nationale implique le dépassement du régime.
En matière de démarche, la Nation algérienne se doit d’assumer ses contraintes politiques et doctrinales pour mieux cerner les solutions qui s’imposent. La crise ne résulte pas d’une mésentente ou d’une querelle domestiques qui seraient évacuées par l’occultation des contradictions ou le recours aux incantations et autres émois qui ont été substitués aux choix politiques.
L\’Alg?rie est saign?e par un mouvement politique d\’essence fascisante, issu d\’un r?gime qui l\’a s?cr?t? et instrumentalis?, avant de se voir d?bord?.
Le confusionnisme est le carburant du malheur alg?rien. Il est volontairement entretenu par le pouvoir qui s\’extrait de sa responsabilit? et pousse le cynisme jusqu\’? se poser en arbitre d\’un d?sastre qu\’il a cr??.
Outre qu\’elle aggrave la trag?die, cette confusion sert aussi ceux qui, refusant de se d?terminer, ont li? leur existence politique ? l\’opacit? et ? la persistance de la crise. Ces acteurs constituent, de fait, un soutien ? un int?grisme rampant et un appoint au r?gime qui combat toute d?cantation.
Aujourd\’hui, il n\’y a de place ni pour l\’arbitrage ni pour les tergiversations. L\’Etat d?mocratique et social, ardemment souhait? par les artisans de la Lib?ration nationale et l\’Etat th?ocratique, sont antinomiques. De ce constat, d?coule un prolongement politique: fondamentalement, il y a, dans le pays, deux courants proposant ? la Nation deux destins contraires face auxquels il faudra se d?terminer. Fuir les termes de cette ?quation, ?quivaut ? une volont? d?lib?r?e de p?renniser la crise et d\’emp?cher la majorit? patriotique de parachever l\’Ind?pendance par la cons?cration de l\’Etat de Droit. Les forces de progr?s, constituant la grande majorit? du champ socio-politique, se sont mobilis?es dans le pays et la communaut? ?migr?e ? chaque fois que s\’est pr?sent?e l\’opportunit? de concr?tiser le projet r?publicain. Ce rapport de force peut se traduire dans une bipolarisation qui doit pr?c?der et sous-tendre une Conf?rence des Etats G?n?raux de la R?publique qui aura ? baliser l\’espace politico-institutionnel o? s\’exprimeront et se m?neront les d?bats et combats socio-politiques. Cette bipolarisation est une condition, un moyen et une garantie du succ?s de la Transition.
S\’agissant des objectifs, une transition organis?e autour d\’un Pacte pour la Refondation Nationale s\’impose ? l\’Alg?rie comme elle s\’est impos?e dans tous les pays soumis ? des crises analogues.
Sit?t ?tabli par la Conf?rence des Etats G?n?raux de la R?publique , le Pacte devra ?tre pris en charge par une instance nationale coll?giale qui se substituera au pouvoir en place. Etant entendu que, g?r?e par les m?mes responsables, la transition ne sera rien d\’autre qu\’un repl?trage de plus.
Se posera, alors, la question de l\’investissement du pouvoir d\’Etat par la nouvelle autorit?. Dans la mesure du possible, la passation des pouvoirs se fera de fa?on consensuelle et ordonn?e.
Il est de la responsabilit? des dirigeants actuels de comprendre que le changement est, de toutes fa?ons, in?luctable. Il reste ? esp?rer que les traditions putschistes qui ont nourri leur pratique politique, s\’effaceront devant une exigence de l\’Histoire et la d?termination citoyenne.
Savoir se remettre en question et sortir de l\’Histoire lorsque l\’honneur et l\’ambition de la Nation l\’exigent, est plus m?ritoire que de s\’enfermer dans des visions surann?es en entra?nant le pays dans une spirale suicidaire.
Le monde nous observe. D?sabus?s ou choqu?s, nos voisins et partenaires attendent que des initiatives cr?dibles et viables se manifestent pour mettre un terme ? l\’effarante r?gression qui hypoth?que le devenir alg?rien, bloque l\’int?gration nord-africaine et p?se lourdement sur la coop?ration et la s?curit? de l\’ensemble m?diterran?en.
Engageant notre pays mais impliquant d\’autres nations, la crise alg?rienne sera r?gl?e dans la rue ou par des voies politiques. La solution sera organis?e ou impos?e.
Fid?le ? ses engagements, conscient de ses responsabilit?s et de la confiance plac?e en lui par les citoyens, le RCD expose devant l\’opinion nationale et internationale, les propositions de changement de r?gime ? travers une transition consensuelle organis?e autour d\’un Pacte pour la Refondation Nationale.
OBJECTIFS, VALEURS ET PRINCIPES DU PACTE POUR LA REFONDATION
NATIONALE (P.R.N.)
Le Pacte pour la Refondation Nationale , se fixe comme objectif la mise en place des conditions de r?alisation de l\’Etat d?mocratique et social tel que proclam? par l\’acte fondateur du 1er novembre 1954 et le Congr?s de la Soummam.
A travers une p?riode de transition, il s\’agit de jeter les fondements d\’un Etat d?mocratique et r?publicain cr?dible aux plans interne et externe.
Le caract?re r?publicain de l\’Etat est une option constitutionnelle irr?versible qui garantit l\’?galit? des citoyennes et citoyens devant la loi et la justice sociale.
La d?mocratie est le mode de gestion et d\’organisation de l\’Etat et de la soci?t?. Le pluralisme politique, l\’alternance au pouvoir et le suffrage universel sont les instruments fondamentaux dans la mise en place des cadres de repr?sentation des citoyens (Pr?sidence, Parlement, Assembl?es r?gionales et locales).
Le pluralisme m?diatique, les libert?s individuelles et collectives sont des exigences de la d?mocratie et de la citoyennet?.
L\’Etat de droit consacre la s?paration des pouvoirs, l\’ind?pendance de la justice, le respect et la promotion des droits de l\’Homme.
DES GARANTIES DU PACTE POUR LA REFONDATION NATIONALE (P.R.N.)
Outre l\’adh?sion aux objectifs et fondements ci-dessus, les adh?rents au P.R.N. sont tenus de s\’engager solennellement sur les clauses suivantes:
? Respect du principe de l\’alternance politique
? Interdiction de tout recours ? la violence morale, physique et/ou arm?e pour arriver ou se maintenir au pouvoir.
? Rejet de toutes formes d\’organisation militaire ou para militaire.
? Refus de tout lien organique et/ou politique avec des organisations nationales et/ou internationales terroristes ou pr?nant l\’intol?rance, le racisme et la violence.
? Non utilisation de la religion et des lieux de culte ? des fins politiques.
? Interdiction de financements ?trangers au profit de formations politiques.
? Engagement, pour les partis politiques adh?rents au Pacte pour la Refondation Nationale , ? mettre leurs statuts en ad?quation avec les dispositions du pr?sent Pacte.
?Acceptation de l\’observation internationale pendant toute la dur?e de la transition.
? Toute personnalit? physique ou morale qui aura adh?r? au Pacte pour la Refondation Nationale et qui en aura viol? une ou plusieurs de ses dispositions s\’expose ? l\’exclusion des organes de gestion et de contr?le de la transition tels que pr?vus ci-apr?s.
L\’exclusion peut s\’accompagner de dissolution pour l\’organisation incrimin?e.
DE L\’ORGANISATION DE LA TRANSITION
Pour ?tre efficace, la transition ne doit pas d?passer dix huit mois. La Conf?rence des Etats G?n?raux de la R?publique aura ? adopter le Pacte pour la Refondation Nationale et proc?dera ? la d?signation des partenaires appel?s ? mettre en ?uvre la transition. Sa mission se termine avec l\’installation des organes de gestion de la transition.
La transition n?cessite une d?finition stricte des missions et du fonctionnement des institutions transitoires en particulier et de l\’Etat en g?n?ral.
1 – De la mission g?n?rale de la Transition
La transition a pour objet principal la r?alisation des clauses du Pacte pour la Refondation Nationale tout en assurant la continuit? de l\’Etat. Parall?lement, sera entam?e une action nationale de lutte contre la corruption.
2 – Des organes de transition
Ceux-ci sont au nombre de cinq: le Conseil de Transition, le Comit? Ex?cutif de Transition, le Gouvernement Transitoire, la Commission des R?formes et la Commission de Lutte contre la
Corruption.
2.1. – Du Conseil de Transition (C.T.)
Il repr?sente l\’organe permanent de concertation, d\’orientation, de l?gislation, de suivi et de contr?le de la transition.
211 ? De la composition du Conseil de Transition (C.T.)
Le conseil de Transition est compos? des repr?sentants des partenaires politiques et sociaux ayant adh?r? au pr?sent Pacte.
2.1.2 Des missions du Conseil de Transition (C.T.)
Application du Pacte pour le Refondation Nationale dans les d?lais impartis.
Elaboration des lois n?cessaires au bon d?roulement et ? l\’ach?vement de la Transition ? l\’exception de celle de nature ? engager durablement l\’avenir politique, ?conomique, social, culturel et diplomatique de la Nation.
Elaborer et adopter les instruments ?lectoraux (loi ?lectorale, d?coupage et modalit? de participation aux ?lections).
Fixation des dates et organisation des ?ch?ances ?lectorales.
Elaboration du projet d\’amendements constitutionnels portant notamment sur la protection des libert?s, la s?paration des pouvoirs, la s?paration des champs politique et religieux, la cons?cration de la langue tamazight comme langue nationale et officielle. Ces amendements seront soumis au peuple pour approbation par voie r?f?rendaire.
La d?signation du Comit? Ex?cutif de la Transition (C.E.T.).
2.2. Du comit? Ex?cutif de la Transition (C.E.T)
C\’est une pr?sidence coll?giale issue du Conseil de Transition devant lequel elle est responsable.
2.2.1. – De la composition du Comit? Ex?cutif de la Transition
Le Comit? Ex?cutif de la Transition sera compos? de trois ou cinq membres.
222 – Des missions du Comit? Ex?cutif de la Transition :
Assurer la repr?sentation officielle de l\’Etat durant la p?riode de transition.
Veiller ? l\’ex?cution des dispositions du Pacte pour la Refondation Nationale et des d?cisions du Conseil de Transition.
Proposer un gouvernement de transition ? l\’approbation du Conseil de Transition.
Organiser les ?ch?ances ?lectorales diverses dont celle du r?f?rendum portant sur la r?vision constitutionnelle.
2.3 – Du gouvernement de transition:
Sa composition est propos?e par le Comit? Ex?cutif de la Transition et approuv?e par le Conseil de Transition.
2.3.1 – Des missions du gouvernement de transition:
Garantir la continuit? de l\’Etat et du service public.
Ex?cuter le programme d\’actions adopt? dans le cadre de la transition.
Exp?dier les affaires courantes de l\’Etat.
2.4. – De la Commission des R?formes:
L\’a commission des R?formes aura pour mission d\’?tudier et de proposer les nouvelles approches institutionnelles et administratives, les amendements de la Constitution , soumis ? r?f?rendum, les grands chantiers (Ecole, Justice, Administration, d?centralisation Solidarit? Nationale, libert?s publiques). Ces ?l?ments seront d?battus dans la perspective d\’une nouvelle ?thique de la Nation qui doit fonder l\’organisation et la gestion de la collectivit? nationale sur le libre arbitre et le respect de la loi.
2.5.- De la Commission de la Lutte Contre la Corruption (C.L.C.C.)
Dirig?e par un ? deux membres du Conseil de Transition, elle sera compos?e de personnalit?s nationales r?put?es pour leur int?grit?.
Elle aura ? proposer un dispositif de pr?vention globale de ce fl?au. Elle est ?galement charg?e de prendre attache avec les partenaires ?trangers et les organisations internationales en vue de mettre en place un dispositif de coop?ration dans ce domaine. Elle aura ? remettre ses conclusions au Conseil de Transition qui se chargera de les faire appliquer.
2.6.- Des institutions pr?sidentielle, parlementaire, r?gionales et locales durant la transition
D?s l\’entr?e en vigueur du Pacte pour la Refondation Nationale et la mise en place des organes de la transition, le Pr?sident de la R?publique pr?sente sa d?mission et les deux chambres parlementaires, les assembl?es locales et r?gionales sont dissoutes par voie d\’ordonnance du Comit? Ex?cutif de la Transition apr?s d?cision du Conseil de Transition.
Les communes et les wilayas passeront, respectivement, sous la responsabilit? de D?l?gu?s et de Commissaires de la R?publique d?sign?s par le gouvernement de transition.
2.7.- Du r?le de l\’Arm?e Nationale Populaire durant la transition
Conform?ment ? la mission de toute arm?e r?publicaine, l\’Arm?e Nationale Populaire sera sous l\’autorit? directe du Comit? Ex?cutif de la Transition. Il sera proc?d?, sous le contr?le du Conseil de Transition, au d?mant?lement des polices politiques.
L\’arm?e assure son r?le constitutionnel de protection de l\’int?grit? territoriale du pays et de lutte contre le terrorisme.
3- De l\’observation internationale du processus de transition
Le r?glement de toutes les grandes crises politiques de ces derni?res ann?es dans le monde a montr? que le m?canisme d\’observation internationale fait autorit?.
Le parti pris de certaines Organisations Non Gouvernementales (ONG) dont a souffert l\’Alg?rie et la protection de la souverainet? nationale, commandent de recourir ? l\’Organisation des Nations Unies (ONU) pour l\’observation du d?roulement du processus de transition.
Le m?canisme d\’observation internationale doit concerner toutes les ?tapes de la transition y compris les diff?rents scrutins.
4- De la fin de la Transition
La p?riode de transition prend fin le jour de la proclamation des r?sultats de la derni?re ?lection. Chaque institution d?mocratiquement ?lue rempla?ant l\’instance transitoire qui en faisait fonction.
CONCLUSION
Il y a pr?s d\’un demi si?cle, le Mouvement National reniait l\’immobilisme et le client?lisme en engageant la Nation dans une ?pop?e audacieuse qui l\’a conduit ? l\’Ind?pendance. Face ? la menace d\’une implosion chaotique, l\’Alg?rie se doit de rompre avec le populisme pour affronter son destin de Nation adulte et souveraine.
ALGER. Juillet 2001