I- Considérations liminaires
Un demi-siècle après son indépendance, l’Algérie est encore condamnée à subir les fraudes et les rituels électoraux hérités de l’époque coloniale, avec en prime, outre la confiscation de la souveraineté populaire, le dessein manifeste des tenants du pouvoir algérien de calomnier et de culpabiliser tout concurrent politique qui ose les contester ou qui se donne le droit de s’exprimer librement sur l’abus et les préjudices induits sur le développement national.
Né de la crise de l’été 62, le régime algérien s’emploie par la violence, la corruption, les coups de force et la fraude électorale, à gérer ses intérêts et ses propres équilibres au détriment de la nation.
L’indépendance a consacré «le peuple algérien» comme l’unique dépositaire de la souveraineté nationale et la source de toute représentation. La démonstration est faite que sa volonté ne pourra s’exprimer librement et pleinement dans notre pays tant que ce régime et les responsables qui l’incarnent, seront au pouvoir. Ces derniers ne se contentent plus d’imposer une caste qui élimine les forces vives de la Nation ou toute catégorie sociale qui n’a pas évolué dans la périphérie du système, ils nient l’Algérie réelle et disposent de cette dernière comme d’un legs patrimonial.
La répression, la restriction des libertés, l’épuisement de la société civile, la crise morale et éthique, le marasme économique, la désintégration institutionnelle, la dilution de la culture de l’Etat et le rôle trouble et tentaculaire de l’armée dans la vie publique sont les causes fondamentales qui ont permis à un homme et à son clan de s’imposer à la Nation par la violation caractérisée de la constitution et des lois en vigueur et par l’abus des ressources et moyens de la collectivité nationale.
Pour l’heure, les élections, dont l’organisation et la supervision relèvent du ressort exclusif du ministère de l’intérieur, se suivent et s’enfoncent dans l’abus et la caricature. Elles sont assimilées à des opérations de maquillage qui ne visent rien d’autre qu’à brider l’espoir d’un changement démocratique et à faire face à la profonde désaffection des citoyens. La grossièreté des manipulations, symptomatique des régimes gérontocratiques et finissants, a atteint son paroxysme avec le délitement de l’administration : triturations d’un fichier électoral largement obsolète, bourrage des urnes, dopages des taux de participation, dépouillements aléatoires et violents, etc.…
Le constat fait consensus : la fraude électorale en Algérie a un caractère systémique. Elle est un danger pour la cohésion nationale et la paix civile.
Désormais, les choix qui s’imposent à l’Algérie sont plus que jamais décisifs. Changer de régime ou disparaitre. Rénover l’Etat et le mode de sa gouvernance ou prendre le risque d’une désintégration sociale.
Ainsi, vouloir repartir aux élections avec le même dispositif institutionnel, organisationnel et juridique reviendrait à faire encourir au pays des périls plus grands que ceux qu’il a connus jusqu’ici.
II- Conformer le modèle de gestion électoral aux standards internationaux
Au plan international, il faut signaler que l’enquête des OGE (organes de gestion électorale) effectuée par International IDEA en 2006 dans 214 pays a révélé que 55% des Etats suivaient le modèle indépendant reposant sur des « organisations autonomes de gestion électorale » dotées de très grandes attributions et responsabilités, seulement 26% épousent le modèle gouvernemental comme c’est le cas de l’Algérie et 15% le modèle mixte. Les 4% restants correspondent à des Etats qui n’organisent pas d’élections au niveau national.
Adapter la gestion et le mode d’organisation des élections aux standards internationaux pour permettre à toute la classe politique de participer aux suffrages avec des chances égales est un défi vital et une exigence patriotique.
A cet effet, le RCD travaille pour un consensus et une convergence des forces patriotiques et démocratiques à même d’impulser des processus électoraux libres, transparents et réguliers, propose une approche nouvelle dans la structure de gestion des élections qui implique la mise en place de deux organes distincts et indépendants, « une instance nationale chargée de la gestion des élections » et « un observatoire national des élections ».
II-1 Une instance nationale chargée de la gestion des élections
L’instance nationale chargée de la gestion des élections doit être une structure permanente, institutionnellement indépendante du gouvernement et dotée de son propre budget dont elle assure la gestion.
Cette instance sera composée d’une dizaine de membres choisis, sur propositions conjointes des partis représentatifs, pour leur grande intégrité morale, leur expertise, leur neutralité politique et leur indépendance de toute chapelle partisane et ce, parmi les organisations des droits de l’homme, les magistrats, les professeurs d’université, les associations professionnelles, l’union des barreaux des avocats, les ordres des médecins et des architectes, les professionnels des médias (patrons et journalistes) et les représentants du monde du travail, de la culture…
L’INCGE sera chargée d’organiser, de gérer et de superviser tous les processus électoraux ainsi que les étapes qui conditionnent leur préparation. Ses missions et ses responsabilités incluent :
la gestion du processus d’inscription, la révision des listes électorales et le suivi régulier du fichier ;
l’organisation et la distribution des cartes d’électeurs en introduisant des cartes biométriques ;
la publication de la réglementation et des procédures relatives à l’organisation et à la conduite des élections, y compris les réglementations sur l’accès aux médias publics.
le découpage électoral et la répartition des centres et bureaux de vote, sur la base des principes d’équité démographique et autres considérations géographiques et sociales ;
l’organisation et la conduite de toutes les opérations électorales, y compris la réception et la validation des candidatures, la régulation de l’accès aux médias publics, l’impression des bulletins de vote, le scrutin, le dépouillement des bulletins et la proclamation des résultats ;
l’accréditation des observateurs électoraux nationaux et internationaux engagés dans l’observation des élections ;
la convocation aux élections partielles à chaque fois que de besoin et partout où cela est nécessaire, ainsi que l’annulation complète ou partielle des résultats d’une élection si la circonstance l’exige ;
la proposition d’amendement de la loi électorale et l’élaboration d’une réglementation régissant son fonctionnement en toute impartialité et transparence,
la conservation et l’archivage de tous les documents électoraux.
L’instance, qui disposera de démembrements et de structures permanentes au plan régional et local, doit s’assurer que les comptes de campagne et les dépenses de tous les candidats et de tous les partis durant la période de la campagne sont conformes aux lois et règlements y afférant . Elle veillera, outre la réglementation des comportements des candidats et des partis, au respect des principes d’équité et de l’éthique par les médias et toutes les parties prenantes.
Une charte d’éthique définissant les règles de conduite des membres et du personnel de l’instance sera élaborée et formellement acceptée par tous les acteurs politiques. Les membres et le personnel de l’instance devant s’engager à :
préserver l’intégrité de tous les scrutins ;
soutenir le principe d’équité et de l’impartialité ;
assurer aux élections et à toutes les parties concernées un service de qualité et de la crédibilité ;
éviter les conflits d’intérêts ;
veiller à l’application et au respect des lois et textes en vigueur.
II-2 un observatoire national des élections
L’observatoire national des élections (ONE) est un organisme temporaire indépendant qui sera mis en place à l’issue de chaque opération électorale. Dans les systèmes démocratiques, l’observation indépendante constitue un dispositif déterminant de la confiance des citoyens dans l’organisation des processus électoraux. Elle représente corrélativement un outil nécessaire de régulation sur le terrain et un rouage supplémentaire substantiel pour promouvoir l’indépendance et la crédibilité de tout scrutin et de la machine électorale prévue dans ce cadre.
De ce fait, cet observatoire sera composé par des personnalités issues de la société civile et du monde syndicale et de la culture ainsi que des représentants des partis politiques et des candidats engagés dans le scrutin. Il doit agir, compte tenu de sa nature et des missions qui lui sont dévolues, en dehors du contrôle et de l’intervention de l’instance nationale chargée de la gestion des élections précitée ou de toute autre autorité, à l’exception des contrôles nécessaires pour garantir l’impartialité, l’authenticité et la sécurité des observateurs ainsi que pour empêcher des troubles et des perturbations lors du déroulement des processus électoraux.
L’observatoire sera investi du pouvoir de suivre et de superviser toutes les phases que renferme un scrutin électoral. Il sera, également, pourvu du pouvoir de recourir auprès des juridictions compétentes pour toute entrave constatée par ses membres durant l’exercice de leur mandat et s’assurer de l’examen et du règlement des litiges et des différents électoraux qu’il a soulevés.
Il sera tenu de présenter, à chaque mission, un rapport exhaustif du déroulement du scrutin, de l’évaluation de l’adéquation du cadre électoral et du travail accompli par l’instance nationale chargée de la gestion des élections.
Alger, le 20 septembre 2013
Le RCD