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Discours d’ouverture du Président du RCD, Atmane Mazouz, devant les membres du Conseil national

Discours d’ouverture du Président du RCD, Atmane Mazouz, devant les membres du Conseil national

Chères militantes, chers militants,

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil national,

Chers amis, invités et journalistes,

Azul fellawen,

Sbah El Khir,

Bonjour tout le monde,

Nous nous retrouvons aujourd’hui dans un contexte national d’une gravité exceptionnelle. Un contexte marqué par l’incertitude, la crispation autoritaire, la détérioration accélérée de la situation économique et sociale, et par une crise politique profonde que le pouvoir refuse obstinément de reconnaître, encore moins de traiter.

Si j’ai voulu anticiper de quelques jours ce rendez-vous, c’est à cause de plusieurs urgences. Nous sommes réunis aujourd’hui, ce n’est ni par routine organique ni par simple exigence statutaire. Nous sommes réunis parce que l’Algérie traverse une phase critique de son histoire récente, une phase où le silence devient une complicité, où l’ambiguïté devient plus qu’une faute politique, et où la clarté, la cohérence et le courage sont plus que jamais nécessaires.

Le RCD a toujours assumé son rôle : celui d’un parti de combat démocratique, de vigilance républicaine et de proposition politique. Nous n’avons jamais été un parti d’accompagnement du pouvoir, ni un parti de rente, ni un parti d’alignement. Et c’est précisément dans les moments de crise que notre responsabilité collective s’élargit.

Chers amis, nous sommes face à une situation politique verrouillée et complexe.

Sur le plan politique, le pays est plongé dans un état de blocage structurel. Les institutions fonctionnent en circuit fermé, coupées de la société, vidées de leur sens et de leur légitimité. L’Assemblée nationale, le gouvernement, les collectivités locales ne sont plus des espaces de représentation, mais des chambres d’enregistrement.

Le pouvoir persiste dans une logique de gouvernance autoritaire, fondée sur la peur, la restriction des libertés, la criminalisation de l’opinion et la gestion sécuritaire du politique. Cette logique n’est pas seulement antidémocratique, elle est dangereuse pour la cohésion nationale et pour la stabilité du pays.

Au lieu d’ouvrir des perspectives, le régime entretient l’immobilisme. Au lieu de dialoguer, il réprime. Au lieu de réformer, il communique et souvent mal . Cette fuite en avant ne peut mener qu’à davantage de désenchantement, de colère sociale et de ruptures silencieuses entre l’État et la société.

Sur le plan économique et social, nous sommes face face à une économie sous perfusion et un social au bord de la rupture. Les discours officiels tentent de masquer une réalité alarmante. L’économie nationale reste structurellement dépendante de la rente, sans diversification réelle, sans vision industrielle claire, sans réforme profonde du système productif.

L’inflation grignote le pouvoir d’achat. Le chômage frappe massivement les jeunes, y compris les diplômés. Les classes moyennes s’effondrent. Les inégalités se creusent. Et pendant ce temps, la corruption change simplement de forme, sans jamais être éradiquée.

Le social est devenu un champ de tension permanent. Les travailleurs, les enseignants, les médecins, les étudiants, les chômeurs expriment leur malaise, souvent au prix de la répression ou du mépris institutionnel. Le pouvoir traite les revendications sociales comme des menaces sécuritaires, alors qu’elles sont des alertes politiques.

Le RCD affirme clairement que la justice sociale ne peut exister sans justice politique, et qu’aucune réforme économique ne sera crédible sans libertés, sans État de droit et sans institutions légitimes.

Chers amis,

Nous sommes face à des libertés étouffées et des détenus d’opinion qui encombrent les cellules et là une ligne rouge est franchie.

Nous devons le dire avec force : les libertés fondamentales sont en net recul. Liberté d’expression, liberté de la presse, liberté d’organisation, liberté de manifestation… toutes sont méthodiquement restreintes.

La prison est redevenue un instrument de gestion politique. Des citoyens sont emprisonnés pour une publication, une opinion, une parole libre. Des militants, des journalistes, des universitaires, des activistes associatifs paient le prix fort de leur engagement pacifique.

Le RCD réaffirme son demande de libération de tous les détenus d’opinion, sans distinction, sans calcul, sans marchandage. Et là, je joints ma voix aux différentes voix appelant à une amnistie globale des détenus d’opinion et du Hirak.

Et nous voulons insister ici également , avec gravité et responsabilité, sur le cas des détenus de Larbaa Nath Irathen. Leur incarcération prolongée, dans des conditions injustes, constitue une blessure ouverte pour la Kabylie et pour l’ensemble du pays. Ce dossier est emblématique d’une justice instrumentalisée, d’un acharnement politique et d’une volonté de faire payer collectivement une région pour son engagement démocratique.

Nous le disons clairement : la Kabylie n’est pas un problème sécuritaire. Elle est une richesse nationale.

Autre question que je voudrai aborder est celle dessymboles nationaux, de la mémoire collective et de l’unité qui doit être dans la diversité de notre histoire.

Je vois des attaques, par-ci par-là, au sujet de la présence de ces deux drapeaux que nous n’avons jamais reniés. D’autres préfèrent exhiber des symboles ou des emblèmes étrangers à nos luttes et à notre histoire.

Nous, nous n’avons jamais porté un drapeau comme un accessoire.

Un drapeau n’est ni un décor, ni un signe de circonstance, encore moins un instrument de provocation ou de repli. Il est une mémoire levée, une promesse collective, un serment de fidélité aux combats passés, présents et à venir.

Le drapeau algérien est le fruit d’un sacrifice commun. Il est né dans la douleur de la colonisation, trempé dans le sang des martyrs, hissé par des femmes et des hommes venus de toutes les régions, de toutes les cultures et de toutes les langues de ce pays. Il ne représente pas une identité contre une autre, mais l’aboutissement d’une lutte partagée pour la liberté, la dignité et la souveraineté du peuple algérien.

L’emblème amazigh, lui, n’est pas une rupture. Il est une racine. Il rappelle que cette terre a une profondeur historique, culturelle et humaine plurimillénaire. Il dit que l’Algérie ne s’est pas inventée en 1962, mais qu’elle s’est réveillée à elle-même après une longue nuit coloniale.

Cet emblème n’exclut pas, il relie ; il n’oppose pas, il complète.

Il affirme que l’amazighité est une composante constitutive de l’identité nationale, partagée par les Chaouis des Aurès, les Kabyles, les Touaregs du Sud, les Chenouis, les Mozabites, les habitants du Hoggar, du Gourara, du Touat, de l’Atlas saharien et bien au-delà.

L’Algérie n’est pas une somme de fragments concurrents.

Elle est une unité forgée dans la diversité, une nation construite par des apports multiples, un destin commun porté par des mémoires plurielles.

Opposer ces appartenances, les hiérarchiser ou les instrumentaliser est une trahison de l’histoire nationale. C’est ouvrir la voie aux manipulations, aux extrémismes et à l’autoritarisme.

Notre fidélité n’est pas sélective.

Elle va à l’ensemble des combats des Algériens : hier pour l’indépendance, aujourd’hui pour les libertés, la justice, l’égalité et la citoyenneté.

Maintenant, chers amis,

Le RCD n’esquive aucun sujet, surtout lorsqu’il touche à l’unité nationale et à l’avenir du pays. Revenons donc, avec lucidité et responsabilité, sur la question de la déclaration unilatérale d’indépendance de la Kabylie.

Notre position est claire, constante et sans ambiguïté.

La Kabylie est une composante historique, culturelle et politique essentielle de l’Algérie. Elle n’a jamais été, et ne sera jamais, un corps étranger à la nation. Elle a été de tous les combats décisifs : contre la colonisation, pour la liberté, pour la République, pour la démocratie et pour la reconnaissance de toutes les dimensions de notre identité nationale.

La Kabylie n’a jamais revendiqué le repli. Elle a toujours porté l’exigence d’un État juste, démocratique et respectueux de ses citoyens. Confondre cette exigence avec un projet de sécession relève soit de la manipulation, soit d’une dangereuse simplification.

Le RCD rejette fermement toute démarche unilatérale, régionale ou aventureuse visant à fragmenter le pays. Non seulement parce qu’elle est politiquement irresponsable, mais surtout parce qu’elle est objectivement contre-productive. Les projets sécessionnistes, loin de libérer les peuples, nourrissent les régimes autoritaires. Ils leur offrent l’ennemi idéal, le prétexte sécuritaire, l’argument pour étouffer les libertés, criminaliser les revendications légitimes et détourner l’attention des véritables causes de la crise nationale.

Il faut le dire avec force : les extrémismes ne naissent pas dans le vide. Ils prospèrent sur la répression, l’exclusion, la fermeture politique et la négation des droits. Lorsque le pouvoir refuse obstinément la démocratie, empêche l’expression politique pacifique, manipule la mémoire, instrumentalise l’identité et criminalise toute contestation, il fabrique lui-même les conditions de la radicalisation.

La responsabilité première incombe donc au pouvoir autoritaire qui, au lieu de construire l’unité nationale par la justice, l’égalité et le respect de la diversité, choisit la division, la stigmatisation et la coercition. En fermant les espaces de débat, il pousse une partie de la société vers des impasses politiques dont il se nourrit ensuite pour justifier sa domination.

Notre combat n’est pas celui du morcellement, mais celui de la refondation nationale. Il est celui de l’égalité réelle entre citoyens, de la reconnaissance pleine et entière de toutes les composantes de notre identité, de la démocratie, de l’État de droit et de la souveraineté populaire dans une Algérie unie, plurielle et réconciliée avec elle-même.

Face aux dérives autoritaires comme aux illusions sécessionnistes, le RCD oppose une ligne claire : la transformation démocratique du pays par la refondation de l’Etat. C’est la seule voie capable de préserver l’unité nationale, de rendre justice aux régions marginalisées et de garantir à chaque Algérienne et à chaque Algérien sa dignité, ses droits et son avenir.

Comme attendu, nous devons entamer le débat sur les élections, un débat qui exige de nous une responsabilité politique majeure, à la hauteur des dangers qui guettent le pays.

La question électorale traverse aujourd’hui l’ensemble du champ politique et nos propres rangs, bien évidemment. Nous ne pouvons ni l’esquiver ni la traiter avec légèreté. Elle doit être abordée avec lucidité, sans posture morale, sans naïveté, mais aussi sans démission.

Le RCD ne sacralise pas l’élection en soi. Nous avons toujours affirmé qu’une élection sans garanties, sans libertés, sans transparence, sans institutions crédibles ne constitue pas un acte démocratique, mais un mécanisme de reproduction du système, un rituel vidé de son sens au service de la domination autoritaire.

Pour autant, participer ou ne pas participer n’est pas une fin en soi. La véritable question politique est celle-ci :

dans un contexte de fragilisation extrême de l’État, de délitement des institutions et d’absence de contre-pouvoirs, pouvons-nous nous permettre de laisser l’espace institutionnel entièrement aux forces de l’inertie, de la régression et de l’allégeance ?

Car le danger est réel. Il ne se limite pas à une fraude électorale ou à une compétition faussée. Il réside dans la désinstitutionnalisation progressive du pays, dans la perte de toute médiation politique, dans la confiscation de la représentation populaire par des structures vides de légitimité et de sens. Un pays sans opposition visible, sans voix critique dans les institutions, est un pays exposé à toutes les dérives.

Dans ce contexte, le RCD, force d’opposition mais aussi force de proposition, ne peut se contenter d’un retrait qui, même justifié par les carences du système, risquerait de laisser le champ libre à l’arbitraire. Notre responsabilité historique est de porter la voix du changement là où se prennent — ou se confisquent — les décisions, y compris dans des espaces imparfaits, verrouillés et hostiles.

S’engager dans la sphère institutionnelle ne signifie ni capituler ni se taire. Cela signifie investir le terrain politique pour y introduire le conflit démocratique, pour y porter les revendications populaires, pour y dévoiler les mécanismes de l’exclusion et de la fraude, pour y défendre les libertés et la souveraineté du citoyen.

Cela suppose toutefois une position claire, exigeante et publique. Notre engagement ne peut être ni aveugle ni inconditionnel. Il doit être accompagné d’une interpellation ferme des autorités autour de principes:

  • l’ouverture réelle et effective du champ politique
  • les mesures de détentes en faveur des détenus d’opinion
  • la fin des ingérences administratives et sécuritaires dans le processus électoral
  • l’égalité d’accès aux médias publics
  • la transparence des opérations électorales à toutes les étapes
  • le respect strict de la volonté populaire

Nous savons les obstacles, nous connaissons les limites, nous mesurons les risques. Mais l’absence de combat comporte elle aussi des risques majeurs : celui de l’effacement politique, celui de la normalisation de l’arbitraire, celui de la résignation collective.

Notre débat ne doit donc pas opposer participation et boycott comme des dogmes, mais poser une question de fond :

comment transformer même un espace contraint en tribune de résistance démocratique, en levier d’organisation populaire et en instrument de dévoilement du système ?

C’est dans cet esprit de responsabilité, de vigilance et de combativité que le RCD doit aborder la question électorale, non comme une illusion, mais comme un terrain de lutte parmi d’autres, au service du peuple et du changement démocratique.

Chers amis,

Je vous invite également à aborder l’état de notre organisation : comment renforcer nos rangs, structurerles sympathies et mobiliser nos énergies pour faire face aux nombreux défis qui nous guettent ?

Sur le plan organique, nous devons faire preuve d’exigence envers nous-mêmes. Le RCD dispose d’un capital politique, historique et militant considérable. Mais ce capital doit être entretenu, structuré et renouvelé.

Le renforcement de nos structures locales, la formation politique, l’élargissement de notre base militante, la proximité avec la société, notamment la jeunesse, sont des impératifs stratégiques.

Un parti démocratique ne vit pas uniquement dans les communiqués ou les moments de crise. Il vit dans l’organisation, la discipline militante, le débat interne et la capacité à transformer les colères sociales en projet politique crédible.

Chers camarades,

L’Algérie traverse une crise profonde, multidimensionnelle. Une crise de confiance, une crise de gouvernance, une crise de sens. Aucun pouvoir, aussi autoritaire soit-il, ne peut durablement gouverner contre son peuple.

Notre message est clair : la solution ne viendra ni de la répression, ni du déni, ni de la fuite en avant. Elle viendra du courage politique, du dialogue réel, de la démocratie et de la reconnaissance de la diversité nationale.

Au nom du RCD, nous interpellons les décideurs : ouvrez les portes de l’avenir avant qu’elles ne se referment sous la pression de l’histoire. Libérez les consciences, libérez la parole, libérez le pays de la peur.

Et à vous, militantes et militants, je dis : gardons l’espoir lucide, l’unité responsable et la détermination intacte. Notre combat est juste, notre cause est nationale, et notre horizon reste celui d’une Algérie libre, démocratique, sociale et unie.

Je vous remercie.

Alger, le 19 décembre 2025

Atmane Mazouz

Président du RCD

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