Banner

Projet de loi sur l’exploitation des plages : une réforme à hauts risques pour le littoral algérien

Projet de loi sur l’exploitation des plages : une réforme à hauts risques pour le littoral algérien

Le projet de loi présenté récemment au Conseil de la Nation, censé encadrer l’exploitation des plages et professionnaliser les services balnéaires, soulève de sérieuses interrogations. Derrière les principes affichés — modernisation, organisation, garantie d’un accès gratuit — se dessinent des mécanismes flous, susceptibles de légitimer à terme une privatisation déguisée du littoral.

S’appuyant sur la loi n°03-05 de 2003, que ce texte entend corriger, le législateur laisse volontairement ouvertes certaines dispositions clés. Ce flou interpelle à plusieurs niveaux.

🔹 Durée des concessions : Alors que la législation précédente limitait les autorisations à une seule saison estivale, le nouveau projet reste évasif sur la durée des concessions. Cette omission, loin d’être anodine, ouvre la voie à des attributions prolongées et peu encadrées. Pour qui connaît les enjeux du secteur, ce silence paraît pour le moins suspect.

🔹 Procédure d’octroi simplifiée : La simplification ne doit pas signifier l’exclusion des acteurs essentiels du secteur. Désormais, les concessions seront approuvées uniquement par le wali, sans contre-pouvoir, sans transparence, et sans concertation obligatoire avec les assemblées élues ou la société civile. Il s’agit là d’un net recul en matière de gouvernance démocratique d’un bien commun.

🔹 Plans d’aménagement obligatoires : Bien qu’ils puissent permettre une meilleure organisation de l’espace balnéaire, ces plans risquent aussi, sans garde-fous, de formaliser l’occupation commerciale de larges portions du domaine public.

🔹 Qualification des opérateurs : La notion d’ »opérateurs compétents » reste vague et sans critères clairs. Cela ouvre la porte à des désignations arbitraires, sans véritable exigence d’expertise ni mécanisme transparent de sélection.

🔹 Absence de participation citoyenne : Aucune instance consultative locale n’est prévue dans le processus d’attribution, de suivi ou d’évaluation. Ni les élus communaux, ni les associations, ni les citoyens ne sont impliqués.

En l’état, ce texte consacre une centralisation excessive, affaiblit les garanties autour du droit d’accès gratuit aux plages, et laisse le champ libre à une exploitation commerciale insuffisamment régulée. Or, la Constitution algérienne reconnaît le littoral comme un bien commun. Sans révision en profondeur, cette loi pourrait ouvrir la voie à des dérives graves et irréversibles.

Moderniser ne signifie pas contourner le caractère public et inaliénable du littoral, ni exclure les citoyens des décisions. Professionnaliser ne doit pas être synonyme de privatiser. Et organiser ne doit pas rimer avec confisquer.

Je considère indispensable de revoir profondément ce projet de loi afin de :

Réaffirmer sans ambiguïté le caractère public et inaliénable des plages ;

Encadrer strictement la durée, la nature et le renouvellement des concessions ;

Associer les citoyens, les élus locaux et la société civile à toutes les étapes du processus ;

Mettre en place des mécanismes de contrôle et de recours transparents et accessibles.

Le droit à la plage est un droit populaire. Il doit être protégé contre toute forme d’appropriation, d’exclusion ou de marchandisation injustifiée.

L’enjeu est double : offrir aux citoyens des espaces balnéaires de qualité, accessibles à tous, et protéger le littoral contre les atteintes écologiques et les appétits mafieux. Protéger ce bien commun ne pourra se faire sans la consécration effective des droits individuels et collectifs, et sans l’émergence d’une organisation citoyenne forte, soutenue par une justice affranchie de toutes les pressions.

Nora Ouali

Secrétaire nationale du RCD

Autres actualités

Focus Vidéo

Contribution

Rejoindre le RCD

Scannez moi

Boîte à Idées

Archives du site