Limites et dysfonctionnements
Dans le dessein de perpétuer une société de prédation, la colonisation avait volontairement laissé les populations indigènes dans l’ignorance et à la marge du progrès social.
Après la décolonisation, malgré quelques avancées éphémères, le déficit en formation de la société algérienne va restaurer, dans les mêmes formes, cette prédation. Elle sera le produit d’une perversion consciemment programmée pour organiser et renforcer la mainmise sur la société par une oligarchie.
Les importants surplus financiers que dégage l’économie nationale seront détournés de leur vocation de soutien au développement et à la cohésion nationale par la prédation et le gaspillage.
Ils seront destinés à :
- octroyer de hauts revenus aux segments de la société détenteurs du pouvoir, ce qui leur permettra de perdurer
- entretenir d’importants sureffectifs dans les corps répressifs;
- acquérir les équipements et l’armement nécessaires pour sécuriser le pouvoir;
- rétribuer les sureffectifs dans l’administration destines au contrôle tatillon de la société et a masquer le chômage;
- soutenir les produits de large consommation, facteur de préservation du pouvoir d’achat;
- accorder des privilèges à des firmes étrangères en échange de soutiens politiques extérieurs;
- réprimer ou clientéliser toute organisation qui manifesterait des velléités d’opposition.
La mise en place de cette société de prédation va se structurer autour de trois axes :
- En premier lieu, la limitation de l’investissement en formation pour réduire la capacité de contestation et de résistance de la société à cette mainmise. La demande en formation étant de nature politique, elle sera pervertie pour n’octroyer au lieu et place qu’un enseignement à contenu idéologique conservateur et au rabais sur le plan technologique. Au fil du temps, la proportion de PIB consacrée à la formation n’a fait que décroitre pour se situer officiellement du 7% de ce PIB. Néanmoins, les dépenses pédagogiques par apprenant, tous paliers confondus, sont de l’ordre de 3% des dépenses consenties dans les pays avancés. La recherche par exemple, absorbe en Algérie 0,16% du PIB par habitant, contre 3 et 3,5 % dans les pays nantis aux revenus 10 fois supérieurs. Le rapport est de 1 à 200 !;
- En second lieu, la limitation de l’investissement en équipements matériels en raison d’une faiblesse des capacités de réalisation et d’une ponction grandissante au profit de la surconsommation des oligarchies, le taux d’investissement oscille aujourd’hui autour de 20 % du PIB ; ce taux conjugué à un coefficient de capital de l’ordre de 5 en raison de lourds investissements en infrastructures permet tout juste un taux de croissance de l’économie de 3% ou moins, ce qui est largement insuffisant par rapport aux besoins. Il couvre juste le taux de croissance démographique. Si en volume, l’investissement est très important, son impact sur le développement est insignifiant en raison des choix inappropriés, de la non pertinence de la plus grande partie des projets, des couts très élevés et de la corruption.
- En troisième lieu, il s’agit de la limitation des salaires réels qui va se traduire par une baisse tendancielle de la productivité du travail. Le contenu des choix économiques opérés qui est déterminant pour le développement est réduit au caractère de compatibilité ou pas de ce dernier avec les critères politiques de la légitimité et du contrôle.
Après avoir englouti autour de 1000 milliards de dollars en moins de quinze ans, le pays se retrouve en faillite financière et, est contraint de recourir à la planche à billet pour combler le déficit budgétaire de la loi de finances de 2018 (1 800 milliards de dollars). L’Algérie est aujourd’hui dans un équilibre métastable : une croissance inférieure à 3%, un taux d’inflation autour de 6%, un taux de chômage officiel avoué à 12%, un déficit de la balance commerciale, l’épuisement du fond de régulation des recettes, un amenuisement des réserves de change qui sont passées de près de 200 milliards de dollars à moins de 100 milliards de dollars en l’espace de deux années. Ce constat est encore plus alarmant si on ajoute que les données statistiques (inflation, chômage, PIB, croissance, …) sont l’œuvre d’un appareil statistique déficient en moyens et en compétences. De plus, il est instrumentalisé pour maquiller la réalité dans une démarche constante de fuite en avant.
L’Algérie doit cesser de vivre en marge de la marche du monde ; cesser de différer le nécessaire rattrapage des pays technologiquement avancés ; cesser d’évacuer l’indispensable mise en place d’une société de savoir.
L’attentisme risque de faire sombrer irrémédiablement le pays dans le banditisme et la drogue, deux fléaux qui atteignent déjà des proportions alarmantes. Ce phénomène a déjà une traduction politique et à l’avenir des zones de plus en plus importantes deviendront des zones de non droit.
L’Algérie est face au mur. La croissance déjà molle est appelée à baisser encore sous l’effet d’un rétrécissement durable des moyens financiers à la disposition du développement. À terme, le recours à la planche à billets et l’épuisement des réserves de change conduiront le pays à une inflation incontrôlable et à l’impossibilité d’assurer un approvisionnement minimum du pays en bien et services.
La politique d’urbanisation
La pression démographique sur les villes, résultat d’une absence de politique d’urbanisation, s’est dangereusement accélérée dans le années 90. Les populations isolées ont fui le terrorisme pour se réfugier dans les centres urbains mieux protégés. En bute à des problèmes de salubrité, de congestion et d’insuffisance d’espaces récréatifs et culturels, nos villes ont perdu leur attractivité et la misère s’est aggravée par la dégradation du cadre de vie et des équipements. L’exclusion sociale et la violence urbaine, a abouti au délestage des valeurs socioculturelles et de convivialité pour laisser place à l’incivilité et aux comportements antisociaux.
Il convient de souligner que la mise à niveau et la modernisation des centres urbains et des villes en général est un facteur important de diffusion des valeurs de la modernité et de la citoyenneté. Il est urgent de rétablir la ville dans sa dimension fonctionnelle.
Le renouveau urbain est conditionné par la mise en œuvre d’une politique saine de la ville, fondée sur l’exercice avérée d’une démocratie participative, une gestion concertée entre les élus, l’administration et la société civile et une dynamique dans le développement local.
Les plans d’urbanismes seront révisés pour tenir compte des besoins réels actuels et futurs en biens fonciers des ménages, des services, des industries et des infrastructures.
La démographie
Les conséquences d’un très fort taux de croissance démographique pendant presque 03 décennies (plus de 3%) sont loin d’être résorbées. De plus le ralentissement observé dans les années 90 et au début des années 2000 est remis en cause selon toutes les données officielles. Il est à craindre que la poursuite de l’explosion urbaine, notamment, dans la bande littorale n’affecte durablement les terres agricoles et la qualité des sols et démultiplie les effets des risques naturels (séismes, inondations, canicules…) et industriels. D’autre part, des points de croissance économique nécessaires pour résorber le chômage et la précarité se dilueront immanquablement dans l’augmentation de la population générale.
Il est impératif de mener une politique vigoureuse avec tous les moyens nécessaires pour stabiliser la démographie à des niveaux qui n’hypothèquent pas les efforts de développement.
L’alternative immédiate
Cette alternative implique des mesures dominantes dont certaines constituent des préalables :
Les mesures préalables
- Sortir de l’économie de rente implique la réduction des dépenses de pouvoir à un niveau qui ne doit pas excéder les normes en vigueur dans les pays développés, soit moins de 4% du PIB, et appelle à la réduction du train de vie de l’Etat.
- Reconvertir progressivement les effectifs dégagés de la fonction publique dans la production de biens et services en octroyant des facilités bancaires à tous les projets d’investissement présentés par des fonctionnaires.
- Revalorisation des salaires productifs de manière à atteindre un pouvoir d’achat, au minimum égal à la moitié de celui en cours dans les pays développés.
- Mise en place d’une institution d’Etat composée d’experts, à même de dynamiser le développement par des conseils en matière de technologie et d’organisation aux entreprises publiques et privées et des encouragements financiers.
- Engager un mégaprojet de formation de formateurs (instituteurs, professeurs…) portant à terme sur 500 000 personnes, pour disposer d’un encadrement de qualité à même d’assurer la maitrise des technologies modernes.
- Refondation des programmes de formation pour plus de rationalité dans le contenu et faire des langues française et anglaise des langues d’enseignement et non plus d’ouverture seulement.
- Procéder à l’évaluation de la législation économique et procéder à la révision de toutes les mesures qui entraves l’activité économiques particulièrement les investissements et les exportations.
- Prendre les mesures destinées à la protection de la production locale des biens et services de la concurrence étrangère souvent déloyale.
- Redynamiser la prospection minière et pétrolière, notamment dans le Grand Sud par des mesures fiscales en faveur des entreprises nationales et étrangères en vue d’améliorer davantage les capacités de financement du pays.
- Réduire au maximum les déficits budgétaires, de façon à avoir des taux d’inflation inférieurs à 4%.
Les mesures institutionnelles d’accompagnement
Ces mesures s’inscrivent dans le choix d’un modèle de consommation moderne, tenant compte de la contrainte de la mondialisation et de l’émergence de nouvelles technologies qui exigent une grande qualification.
Le RCD fonde son action sur l’instauration d’une social-démocratie qui concilie économie de marché et justice sociale.
Ces mesures visent :
- la liberté d’entreprendre : des mesures destinées à supprimer les barrières bureaucratiques inutiles; à limiter les interventions inopportunes et déstabilisantes des politiques et de la haute administration dans les entreprises ;
- le pluralisme syndical : par la reconnaissance de tous les syndicats représentatifs ;
- L’ouverture sur l’extérieur : la révision des lois qui freinent l’investissement étranger en Algérie ;
- le rôle régulateur de l’Etat en matière de grands équilibres économiques ;
- la prise en charge par l’Etat de la protection sociale ;
- la mise en œuvre d’une politique de décentralisation au niveau régional des décisions de gestion ;
- la mise en place de mécanismes de solidarité interrégionale ;
- la mise en place d’organismes socio-économiques autonomes pour la concertation entre partenaires sociaux.
La promotion du développement
La promotion du développement sera la résultante d’une priorité à octroyer aux secteurs générateurs de croissance. Pour ce faire, il faudra :
- Rétablir l’autonomie à la Banque d’Algérie pour le maniement des flux monétaires.
- Rendre transparents et publics les comptes de toutes les entreprises économiques publiques, notamment Sonatrach et ses filiales ainsi que Sonelgaz, Assurances…
- Faire le bilan du patrimoine foncier immobilier et industriel des entreprises publiques et proposer des mesures pertinentes pour sa rentabilisation par toutes les formes possible (Privatisation, partenariat etc.).
- Étendre le marché des valeurs mobilières pour rendre plus disponibles les capacités de financement du pays aujourd’hui sous-utilisées par des mesures appropriées.
- Redéfinir le statut des terres dans une perspective de remembrement des propriétés foncières, d’une concession des terres par bail, avec préférence aux postulants ayant des compétences dans le domaine.
- Encourager par des mesures fiscales et financières les cultures à intensité de main d’œuvre
- Ouvrir l’enseignement au secteur privé, notamment pour les universités et octroyer aux institutions de formation l’autonomie nécessaire pour répondre à la demande.
- Mettre en place un mécanisme de prêts à taux d’intérêt bonifié pour les étudiants désireux d’améliorer leur qualification.
L’assainissement des finances publiques et la réforme fiscale écologique
Le RCD inscrit dans son programme d’actions, le réajustement des finances publiques par la détermination des besoins publics à satisfaire par l’Etat. Partant de ce principe, la méthode en vigueur dans l’élaboration des lois de finances, consistant à une distribution de la rente, sera bannie. Il ne sera plus question d’élaborer une loi de finances à partir des demandes des wilayas et des ministères dépensiers, mais sur la base d’objectifs à caractère culturel, social, économique et sécuritaire en rapport avec un projet de société clairement défini et accepté après un débat libre et transparent. Il y a donc lieu de réhabiliter l’impôt dans le financement des dépenses publiques. Cela nécessite de reconsidérer le système fiscal actuel afin de remettre en cause les taxations et impositions injustes et d’observer le principe constitutionnel de l’égalité de tous devant l’impôt. Ainsi, l’Etat ne doit plus utiliser l’impôt comme instrument d’exclusion, de répression, de règlement de comptes et d’extorsion de fonds pour financer sa clientèle, mais comme étant la contribution de chacun en fonction de ses capacités contributives au financement des dépenses publiques.
Augmentation des recettes budgétaires ordinaires (hors hydrocarbures)
Le recours à la planche à billets pour financer le déficit du trésor signe dans le même temps l’échec des politiques de développement et l’obsolescence d’une politique fiscale injuste et « généreuse » à l’endroit des clientèles devenues subitement riches. Le chiffre des restes à recouvrer dans l’impôt, rendu public par la Cour des comptes est préoccupant même s’il résulte de créances sur des entités insolvables et de redressements fantaisistes. C’est le signe tangible de son inadaptation à l’activité économique et de la faiblesse de l’administration fiscale. Au terme des mesures immédiates, notre ambition est de :
- Mettre en œuvre un programme de numérisation et de formation de l’administration fiscale et la doter de moyens humains à la mesure de son rôle économique.
- Elargir l’assiette fiscale à la place de l’accroissement de la pression fiscale sur les seuls contribuables loyaux, à commencer par la suppression des dérogations d’exonération fiscale (490 dérogations recensées par la Cour des comptes dans son rapport de 2013). Ces exonérations instaurent une injustice fiscale, faussant la concurrence et encouragent l’économie informelle ;
- Soumettre les sociétés et les professions libérales au régime du réel et n’assujettir à l’impôt forfaitaire unique (IFU) que les petits contribuables (épiciers, artisans…) ;
- Supprimer l’indexation des primes de l’administration fiscale aux montants des redressements fiscaux des contribuables ;
- Amorcer une réforme fiscale écologique comme premier palier d’une réforme fiscale globale qui favorise la protection de l’environnement, le développement durable et la construction d’une véritable industrie dans les matières premières secondaires par la valorisation et le recyclage.
Les banques
L’amendement sur la loi portant monnaie et crédit qui consiste à éliminer toute limitation dans l’endettement du trésor auprès de la banque d’Algérie est un recul inquiétant. Il ne s’agit pas de revenir sur cette nouvelle disposition mais d’octroyer une autonomie de gestion à la Banque d’Algérie afin de réguler les flux monétaires en faveur de la croissance-développement et bannir les pratiques des privilèges. Ses dirigeants seront nommés pour un mandat irrévocable de 6 ans.
Prendre toutes les dispositions pour une convertibilité à terme du dinar. L’option actuelle de limiter les transferts vers l’extérieur ne pouvait que se solder par un blocage des transferts vers l’économie nationale et par l’augmentation des transferts illicites d’argent.
Relever le niveau de l’allocation de devises individuelle pour voyages, soins études etc. a un niveau décent et cesser la pratique humiliante de l’inscrire sur le passeport.