Introduction aux débats de Atmane Mazouz , président du RCD, à Ottawa

Chers compatriotes,

Mesdames et Messieurs,

Azul fellawen,

Bonjour à toutes et à tous,

Merci d’être présents aujourd’hui, ici à Ottawa, au cœur du Canada, un pays qui, à des milliers de kilomètres de notre terre natale, incarne ce que notre peuple espère : la liberté, la justice, la dignité.

Votre présence ici n’est pas anodine. Elle est un acte politique. Elle est le cri silencieux mais puissant d’une diaspora qui refuse l’effacement. Une diaspora qui aime profondément l’Algérie, même lorsque celle-ci semble l’oublier.

Et je vous le dis sans détour : nous n’avons plus le temps de tergiverser. L’Algérie est au bord d’un basculement historique. Et ceux qui gouvernent porteront la pleine responsabilité des conséquences à venir s’ils persistent dans le déni.

Nous vivons un moment critique. Un moment où l’Histoire observe. Elle regarde si le peuple algérien choisira de continuer à subir ou s’il se lèvera pour reprendre son destin.

Le système en place est en faillite. Morale, politique, économique.

Ce système n’écoute pas. Il réprime. Il ne construit pas, il verrouille. Il ne gouverne pas, il confisque.

Des centaines de milliers de jeunes quittent le pays. Des familles entières se ruinent pour offrir un avenir ailleurs. Les harragas ne fuient pas le pays, ils fuient l’humiliation.

Et pendant ce temps, que fait le pouvoir ? Il casse les ressorts politiques, il réprime les journalistes, il muselle les syndicats, il instrumentalise la justice et il verrouille tout débat.

Ce pouvoir ne gouverne plus : il survit en étouffant la nation.

À Ottawa, aujourd’hui, je tiens à dire ceci aux tenants du pouvoir algérien :

Vous êtes comptables devant l’Histoire.

Vous êtes responsables du désespoir de la jeunesse.

Vous êtes responsables du pillage des richesses, de l’exil des compétences, de l’effondrement social.

Mais l’Algérie ne vous appartient pas. L’Algérie appartient à son peuple. Et ce peuple ne renoncera pas.

Chers compatriotes,

Ici, au Canada, vous bâtissez. Vous entreprenez. Vous innovez. Vous participez à une société qui vous respecte.

Pourquoi cela serait-il impossible en Algérie ?

Ce n’est pas une fatalité. C’est une stratégie de confiscation. Ce que nous vivons est un choix politique du régime. Et ce choix doit être combattu.

Nous devons briser le mur de la peur, celui que le pouvoir a érigé entre lui et le peuple.

Nous devons construire une Algérie :

– où l’on débat librement ;

– où les médias ne sont pas aux ordres ;

– où la justice n’est pas une chambre d’exécution du politique ;

– où l’on ne craint plus de parler, d’écrire, de penser.

Il faut une rupture. Une refondation. Une transition démocratique réelle, pas un replâtrage cosmétique.

Nous n’acceptons plus que l’identité soit instrumentalisée pour diviser.

L’Algérie est plurielle. Et c’est cette diversité qui est notre force.

Nous n’acceptons plus que la religion soit utilisée comme outil d’intimidation.

Nous n’acceptons plus que la jeunesse soit condamnée au silence ou à l’exil.

À celles et ceux qui nous écoutent depuis Alger, Oran, Bouira, Ouargla, Constantine ou Annaba :

Le temps de la peur est terminé.

Le temps du changement commence.

Et ce changement ne viendra pas d’en haut. Il viendra de vous. Il viendra de nous. De l’intérieur et de la diaspora. Unis. Déterminés. Organisés.

Chers amis,

Le RCD ne fait pas de promesses vides. Nous portons un projet clair :

– Une démocratie réelle, avec séparation des pouvoirs, liberté de la presse, justice indépendante.

– Une économie productive, tournée vers l’agriculture, l’industrie, la technologie.

– Une gouvernance transparente, où chaque responsable rend des comptes.

– Une diplomatie digne, qui défend les intérêts de la nation, pas ceux des clans.

Nous avons besoin d’un front national pour la démocratie. Pas un cartel d’ambitions personnelles. Mais une coalition citoyenne, populaire, patriotique.

Nous tendons la main à toutes les forces du changement.

Pas pour partager le pouvoir, mais pour restaurer la souveraineté du peuple.

Honorable assistance,

Encore une fois, nous sommes à un tournant décisif. Un tournant où les mots ne suffisent plus, où les discours creux ne peuvent plus dissimuler la réalité brute : l’Algérie traverse une crise politique profonde, une faillite morale et intellectuelle de ses élites, qui ont trop souvent fait de la politique un outil de reproduction de privilèges plutôt qu’un instrument de transformation sociale.

La société politique algérienne, au lieu d’inspirer et d’élever, est devenue – hélas – une machine à désespérer. Elle a trahi l’espérance des générations qui ont lutté pour la liberté, la dignité et la démocratie. À la place de l’alternative, elle a offert l’impasse. À la place de la vision, elle a offert les calculs. Et à la place du débat, elle a cultivé la division.

Mais il serait trop facile de ne voir dans ce constat que de l’amertume. Ce serait une erreur que de croire que tout est fini. Car l’histoire de notre peuple est aussi celle de la résilience. Il y a, en chacun de nous, cette étincelle qui refuse de se soumettre, cette volonté qui cherche à construire, à comprendre, à transcender.

Je m’adresse aujourd’hui aux jeunes, à cette génération née dans les brèches du désenchantement mais qui porte encore en elle la promesse d’un renouveau.

Vous n’avez pas à porter les échecs d’hier. Vous n’êtes pas redevables des clivages, des rancunes, des guerres d’ego qui ont miné le courant démocratique. Ce fardeau n’est pas le vôtre. Votre responsabilité est autre : elle est de refuser l’héritage du renoncement. Elle est de refuser les prisons mentales qu’on vous propose au nom de l’histoire, des querelles anciennes ou de la peur.

Nous ne construirons pas l’Algérie de demain avec les divisions d’hier. Le changement véritable ne viendra ni des slogans ni des figures fatiguées du passé, mais d’une jeunesse lucide, libre et déterminée à sortir des impasses.

Il faut penser autrement. Organiser autrement. Se parler autrement.

Il est temps de bâtir un espace politique nouveau, débarrassé de l’opportunisme, reconnecté à la réalité sociale, ancré dans l’éthique de responsabilité. Un espace où l’on débat des idées, pas des personnes. Où l’on pense le bien commun, pas les intérêts personnels.

Il ne s’agit pas d’oublier les luttes du passé, mais de les prolonger intelligemment. Il s’agit de se réconcilier avec l’espoir, sans naïveté mais sans cynisme non plus.

L’Algérie mérite mieux que le désespoir organisé. Elle mérite vos rêves, vos forces, vos exigences.

Ne laissez pas les autres écrire votre avenir. Prenez la plume. Prenez la parole. Bâtissez. Résistez. Inventez.

Mesdames, Messieurs, chers compatriotes,

Permettez-moi de revenir, avec fierté et conviction, sur deux thématiques essentielles qui nous concernent tous : le rôle central de notre diaspora et l’exemple inspirant du modèle canadien, que nous gagnerions à étudier de plus près dans le cadre de notre projet de transformation nationale. On a rencontré plusieurs acteurs des collectifs associatifs, des élus et nous nous sommes rendus à la mairie Saint-Augustin-De-Desmaures, au parlement provincial du Québec et au parlement fédéral d’Ottawa

Nous avons intensifié nos échanges avec notre diaspora, cette richesse humaine et intellectuelle trop longtemps négligée. De Paris à Montréal, du Québec à l’Ontario et Ottawa, nos compatriotes établis à l’étranger ont exprimé un attachement profond à leur pays d’origine, mais aussi un désir fort d’y contribuer activement.

Nous avons organisé des rencontres, des discussions. Nous avons écouté leurs aspirations, recueilli leurs idées, et surtout, engagé des projets concrets avec eux. Car il ne s’agit plus de les considérer comme de simples témoins ou activistes distants, mais comme des acteurs à part entière de la refondation nationale.

Notre diaspora est porteuse de compétences, de réseaux, de visions nouvelles. Elle connaît les exigences de la modernité, les dynamiques internationales, et peut être un formidable vecteur d’innovation, de bonne gouvernance et d’ouverture pour l’Algérie.

Cette matinée, on a eu à rencontrer un groupe de réflexion sur les modèles de gouvernance. Dans ce même esprit d’ouverture, nous devons regarder au-delà de nos frontières les modèles qui fonctionnent, ceux qui ont su conjuguer unité nationale et diversité régionale, démocratie représentative et efficacité administrative. Le Canada fait partie de ces modèles.

Ce pays a su bâtir une organisation décentralisée, équilibrée, où les régions disposent de réels pouvoirs, où le Parlement joue pleinement son rôle, et où l’émulation entre territoires dynamise le développement. Loin de diviser, cette organisation renforce le vivre-ensemble, valorise les spécificités locales et rend l’administration plus proche des citoyens.

Le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), à travers son programme, appelle à tirer inspiration de cette expérience. Il ne s’agit pas de copier, mais d’adapter avec intelligence. Une Algérie qui donne plus d’autonomie aux régions, qui respecte les pouvoirs locaux, et qui valorise les initiatives parlementaires, est une Algérie plus forte, plus juste, plus performante.

Le modèle canadien nous montre qu’il est possible d’avoir un État fort sans être centralisé à l’excès. Il nous montre aussi que la diversité linguistique, culturelle et régionale n’est pas un obstacle, mais une richesse, à condition qu’elle soit institutionnellement reconnue et politiquement assumée.

Oui, l’Algérie peut et doit se transformer. Et cette transformation doit s’appuyer sur deux piliers : d’un côté, l’énergie de notre diaspora, qui peut être un levier stratégique de développement ; de l’autre, l’adoption d’un modèle de gouvernance moderne, inspiré de ceux qui ont fait leurs preuves, comme le modèle canadien.

Ensemble, faisons de ces deux forces un moteur pour l’Algérie de demain : une Algérie ouverte, démocratique, décentralisée, et résolument tournée vers l’avenir.

Chers amis,

Je voudrai maintenant aborder notre parti, le RCD, qui en ces temps troublés, où les vérités sont travesties et les combats détournés, notre parti fait face, une fois de plus, à une offensive aussi coordonnée que cynique.

Les attaques ne viennent pas par hasard. Elles sont le fruit d’une synchronisation malsaine, menée par ceux qui n’ont jamais accepté l’existence d’un parti libre, debout, enraciné dans les valeurs républicaines, démocratiques et laïques.

Elles émanent des islamo-conservateurs, Badissistes, toujours prêts à travestir la religion pour asseoir leur autoritarisme moral.

Elles viennent aussi de ces embusqués des luttes de la 25e heure, ces opportunistes qui n’ont jamais pris de risques mais se parent aujourd’hui du manteau de la résistance.

Elles sont amplifiées par les rentiers des causes trahies, qui se nourrissent des échecs pour mieux vendre leur duplicité.

Et elles sont relayées, enfin, par les nouvelles armées du silence : ces « mouches électroniques », anonymes et lâches, qui agissent dans l’ombre des écrans, croyant pouvoir éteindre nos convictions à coups de diffamation et de mensonges.

Mais qu’ils sachent une chose : le RCD n’est pas une simple organisation. C’est une école politique, un socle de principes, un esprit de combat.

Nos structures sont solides car bâties sur la rigueur, le débat, et l’engagement militant.

Nos militants sont aguerris par des décennies de lutte dans l’adversité. Ils sont forgés par l’épreuve, non par l’opportunisme.

Et notre projet est clair, limpide, sans duplicité : une République moderne, démocratique, fondée sur la justice sociale, l’égalité et la liberté de conscience.

Rien ne peut ébranler un parti qui ne doit rien aux cercles occultes, aux jeux d’appareils ou aux calculs d’intérêts.

Rien ne peut faire vaciller un engagement qui s’est affirmé au cœur de la tempête, dans la douleur, mais toujours dans la dignité.

À ceux qui espèrent voir le RCD fléchir, je dis : vous vous trompez de cible. Nous ne sommes pas de ceux qui pactisent avec le silence. Nous sommes de ceux qui éclairent, qui parlent vrai, qui tiennent tête.

Le combat continue. Et il se fera, comme toujours, avec vous, avec le peuple, et pour l’Algérie.

Alors je vous le dis aujourd’hui, ici à Ottawa :

Nous n’avons pas le droit d’être spectateurs.

Nous devons être des acteurs du sursaut.

Ne vous résignez pas. Organisez-vous. Mobilisez-vous. Parlez. Exigez. Portez la voix du changement partout où vous êtes.

L’Algérie est à un tournant.

Ceux qui choisissent le silence deviennent complices.

Ceux qui choisissent le courage deviennent les artisans de demain.

Vive la République !

Vive la justice !

Vive la liberté !

Et surtout… vive l’Algérie libre et démocratique !

Merci.

Ottawa, le 17 mai 2025

Atmane Mazouz, Président du #RCD

RCD Algérie

Le RCD tire ses fondements des luttes du peuple algérien pour sa liberté et du combat des générations post indépendance pour le progrès, la justice et la démocratie. Il est la confluence de l’action et des idéaux de la révolution algérienne formalisée dans la plateforme du congrès de la Soummam et des aspirations à l’universalité et la souveraineté de notre peuple.

Fondé en 1989 par des militants qui ont porté la contestation des fondements identitaires imposés à la Nation, en particuliers la négation de la langue Amazigh et sa dimension historique et culturelle, des défenseurs des droits de l’homme et des syndicalistes, le RCD aspire et milite pour une société de liberté, d’égalité en droits entre tous les citoyens et de solidarité. Le RCD se positionne sur l’échiquier de la sociale démocratie.

C’est de cette histoire que découle nos convictions que ce projet de société se cristallise dans une République symbolisée par un Etat qui :

Protège la liberté de conscience et proscrit l’utilisation de la religion dans la compétition politique, c'est-à-dire la laïcité de l’Etat ;
Garanti les libertés individuelles et collectives, les droits de l’homme et l’égalité entre les citoyens indépendamment de leur langue maternelle ou de leur sexe ;
Promeut toutes les composantes de l’identité algérienne et érige la langue amazigh en tant que langue officielle aux côtés de la langue arabe ;
Consacre la région comme pôle de développement et de régulation et espace d’expression de la démocratie locale ;
Libère l’initiative privée pour l’innovation et le progrès ;
Donne une réalité à l’égalité des chances et la protection sociale par une politique juste de redistribution des ressources et des richesses ;
Organise l’alternance au pouvoir par des élections à tous les niveaux sous la responsabilité d’un organe permanent et indépendant du pouvoir exécutif.
Dans un monde globalisé dans son fonctionnement économique et face aux menaces stratégiques qu’il risque de subir dont l’éventualité d’une crise écologique, le RCD milite pour l’instauration de la paix, l’intégration dans l’espace nord-africain et un modèle de développement durable.

 rcd.webdz@gmail.com

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